Léo, un psy comme d’autres

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névrose

psychose : animation de Pierre C.J. Vaissière

psychose

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Léo, mon copain psy

Les gens ils sont comme ils sont, raconte ma concierge, « La Philosophe ». C’est ainsi que l’appellent ceux qui s’y connaissent en philosophie, en pinard et qui tiennent la route à la pétanque, avec leur Marcel détendu dans tous les sens pour les maigres et rétrécis au lavage pour les gros, à croire qu’ils se sont échangé leurs maillots de corps petit bateau et grand paquebot. Ma concierge, c’est vrai qu’elle a le sens des réalités, comme tout vrai philosophe. Lorsqu’elle accroche la pancarte qui signale qu’elle est dans l’escalier, elle y est effectivement.
Mon copain Léo, lui, quand il dit à sa bergère qu’il va aux champs garder les moutons, ce ne sont que balivernes. Le plus souvent il est au bistro à compter fleurette à une oie blanche ou à baratiner une grosse vache qui meuglera peut-être de plaisir plus tard mais qui, en attendant, se prend pour une tourterelle et roucoule. Mon pote Léo, il est fonctionnaire. Attention, pas bas, ni moyen fonctionnaire, mais haut. Haut fonctionnaire. Enfin c’est ce qu’il raconte, mais moi, je sais aussi bien que lui que c’est du pipeau. En vrai, il est psy. Dans une institution psy. Un cabinet à lui, il avait bien essayé, mais faut pas tout mélanger. Lui il mélangeait tout, et je mâche mes mots.
Il y a longtemps je les avais lâchés, mes mots, et j’avais reçu une grande baffe, ou peut-être plutôt une grande batte en pleine poire. Coup de chance, je n’étais pas assez mûr pour me retrouver blet. Comme quoi être jeune n’est pas toujours une tare, quoi que… Aujourd’hui où je commence à être mûr, je préférerais être dégusté plutôt que de devenir blet pour avoir dégusté. Aussi ne m’en voudrai-je pas plus que ça de mâcher par ci, par là, d’autres mots.
Léo, à sa façon, c’est aussi un philosophe, mais crapuleux. C’est peut-être pour ça que je ne le déteste pas complètement, surtout qu’il paie toujours sa tournée, qu’il remet ça, et qu’il finit toujours par offrir le dernier pour la route. Si on insiste.
Léo c’est un escroc. C’est dans son cabinet qu’il a fait ses premières armes d’escroc. Quand je dis escroc, c’est dans son boulot. Il a pourtant une espèce de fond d’honnêteté, comme lorsqu’il prétend être fonctionnaire. Je ne parle pas des fonctionnaires qui y croient, qui triment et qui font à eux seuls le boulot des dix autres dont l’activité principale consiste à dire qu’ils réfléchissent, qu’ils dressent des plans, qu’ils mettent en place une nouvelle stratégie, ou dressent l’ordre du jour de la prochaine réunion où il sera question de la date de la suivante. Léo, lui, est un fonctionnaire fantôme. Même, et surtout lorsqu’il prend un patient en entretien. Névrose ou psychose, bien calé dans son fauteuil, il pause, dodeline de la tête, répond par des « mmmhhh, mmmhhh », gribouille en faisant semblant de prendre des notes, somnole ou prend des airs inspirés quand il se reprend, souffle, et à bout de souffle congédie son patient au bout de vingt minutes, montre en main.
Léo était un élève comme il faut, studieux comme il faut, issu d’un milieu comme il faut. Il a réussi comme il faut puis, bardé de ses diplômes, il a estimé qu’il en savait suffisamment. Il les a encadrés, s’est marié comme il faut l’être, est devenu père de famille comme son père.
Comme il faut, Léo, tout faux.
 

Léo s’est assoupi. Pas suffisamment, hélas ! Il est devenu un glandeur. Avec l’avantage pour ses patients –étant donné qu’il n’a plus jamais pris de risques depuis ses études– de ne jamais faire de vague avec eux. Léo n’a jamais compris que pour changer on a besoin de quelques bons coups de vent et d’autant bonnes vagues puissantes.
Mon pote Léo est une feignasse qui a peur de se mouiller. Aussi y a-t-il peu de chances que je le croise sur un môle un jour de tempête. Dommage, parce qu’alors je le balancerais à la flotte.
 

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A propos pierrevaissiere

On avait réussi à collecter une dizaine de mots qui parlent de l'olibrius qui écrit ces âneries, et voilà, ils se sont échappés. C'est pourtant pas faute de les avoir tenus en laisse.
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