La perception que j’ai de l’univers –de notre univers– tient des représentations mentales que je m’en fais. Avant que je ne vienne à la vie il n’est rien, et à l’instant où la vie me quitte, il retourne au néant. Sans ma présence en ce monde, il n’a pas de réalité.
Cette perception est fonction de mes sens, de mon vécu, du vécu de ceux qui m’ont précédé et dont j’ai hérité (directement ou non), de ma culture, de l’époque qui me voit vivre.
Le firmament que je vois n’est pas le même que celui que voyaient mes ancêtres, mais même s’il avait été le même, ils l’auraient vu différemment de ce que je le vois. Comme eux je crois voir, alors que je ne fais que percevoir.
Mes représentations mentales me permettent de savoir que, parmi les étoiles que je vois, nombreuses sont celles qui ont disparu, et pour certaines depuis une « éternité ». Une pensée qui aurait évolué différemment me raconterait peut-être tout autre chose.
Enfant, le bang d’un supersonique qui passe le mur du son me faisait immédiatement lever la tête pour, généralement, ne rien voir. Les premières représentations mentales (celles de l’enfance) changent au fur et à mesure que nous prenons de l’âge, et si j’entends un bang, je sais que lever la tête ne me fera pas voir l’avion qui passe le mur du son : il a passé ce mur du son, comme il a passé dans le ciel.
Il y a encore quelques années, lorsque je me représentais ma mort, je ne la voyais pas en tant que disparition, mais plutôt en tant qu’absence, même si ce terme ne colle pas exactement à ce que j’aimerais exprimer, et qui est de l’ordre du ressenti. Aujourd’hui, me représentant cette ultime étape de la vie, je l’ « entends » comme étant une disparition, un retour au rien. Ce retour au rien, en même temps qu’il m’engloutit dans le néant, engloutit l’univers dans ce même néant. À la même époque, lorsque je m’imaginais l’instant du passage de la vie au trépas, penser que je ne verrais plus jamais ceux que j’aime m’attristait d’une façon incommensurable. Me représentant la mort comme une sorte d’absence, je me faisais l’idée « qu’ils me manqueraient ». Aujourd’hui, pensant à cette mort qui mettra fin à tous mes systèmes de représentation, l’idée même de cette affliction a disparu.