Chronique de séditions, sécessions et partitions annoncées

Dans un couple le sentiment de supériorité et la suprématie économique de l’un sur l’autre sont autant de ferments pour mener à la séparation ou au divorce, difficilement évitables si on y joint l’égoïsme.

Groupes et états sont soumis au même schéma, et lorsque la notion de racines –d’où dérive aisément celle de nationalité puis de nationalisme– s’en mêle, les choses sont en place pour qu’émerge un conflit. Le moindre malentendu, le moindre incident, le moindre désir inassouvi pouvant être prétexte aux hostilités (comme lorsqu’une première partie s’estime lésée ou qu’une deuxième estime ne pas avoir à payer pour l’autre), il ne faut plus grand chose pour que le feu soit mis à la poudrière. Et les pyromanes ne manquent pas, qui tiennent des discours plus va-t-en guerre qu’il n’y paraît.

En 2000, lorsque Milosevic a voulu “enraciner” son pouvoir, il l’a fait en excitant les sentiments nationalistes de certains de ses compatriotes : leurs racines étaient au Kosovo, avec ses batailles médiévales, ses monastères, son passé glorieux… Et toute parcelle du sol kosovar devenait la terre arable où semer les graines du souvenir, de l’honneur des serbes et de la haine de l’étranger…»

Discours qui en rappelle d’autres…

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Côte d’Ivoire

En 1995, lorsque Henri Konan Bédié –alors président de Côte d’Ivoire– avait évoqué le concept nouveau d’ivoirité, basé sur la distinction entre les Ivoiriens dits de souche et les Ivoiriens dits d’origine douteuse ou de circonstance, s’imaginait-il que son discours identitaire pour le moins réducteur promouvait une hostilité à venir à l’encontre des étrangers et des Ivoiriens musulmans du Nord ?

En 1993, l’incontournable et indéfendable Laurent Gbagbo, alors dans l’opposition, avait demandé une révision du Code électoral afin d’interdire le vote des “étrangers”. En 1998, une loi foncière réservait le droit de propriété de la terre aux seuls “Ivoiriens de souche”, alors que Houphouët-Boigny, militant de l’ “hospitalité authentique”, considérait que «la terre appartient à celui qui la cultive». Des milliers de paysans d’origine burkinabée du Nord furent expulsés. De plus, l’article 35 de la Constitution de juillet 2000 adoptée sous le régime du général Giué énonce dans son que, pour être candidat à l’élection présidentielle, seuls sont considérés comme Ivoiriens ceux nés de père et de mère eux-mêmes ivoiriens. Puis une politique d’ “identification nationale” s’est mise en place afin de déterminer la citoyenneté par l’appartenance à un village “authentiquement ivoirien”.

Ce concept d’ivoirité, vite imprégné d’idées xénophobes et développé en réaction au sentiment que les étrangers sont devenus trop nombreux, est sans doute l’une des causes des exactions commises il y a quelques années en Côte d’Ivoire et participera, sans de réelles bonnes volontés (on peut rêver…) à celles qui se préparent.

« Ami entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ? »

S’il n’y avait que cela, peut-être pourrions-nous garder espoir, mais quel beau rêve pourrait annihiler le cauchemar qui se profile ? Car au-delà des nationalismes exacerbés, d’autres facteurs sont en jeu :

• L’essentiel des ressources est contrôlé par l’État (café, cacao, pétrole, gaz, bois…), donc par Laurent Gbagbo, qui s’est arrogé les droits de propriété du riche sud.
• Phénomène relativement récent, des tensions religieuses nord-sud se font ressentir, qui pourraient opposer les chrétiens du sud –partisans du dictateur Gbagbo– aux musulmans du nord –partisans d’Alassane Ouattara, le seul qualifié pour être président suite au choix des électeurs et par ses évidentes capacités d’homme d’état et ses compétences en économie. Rappelons que, d’après Alassane Ouattara lui-même, sa confession musulmane et le fait qu’il soit du nord avaient servi d’arguments à son inéligibilité à une précédente présidentielle.

Dans un monde où l’individualisme est roi, où les nationalismes s’exacerbent et où les écarts économiques, religieux, idéologiques, culturels entre les sexes, les individus, les classes d’âge, les peuples et les nations se creusent de plus en plus, on peut s’attendre à ce qu’explosent les ressentiments qui conduiraient aux séditions, sécessions et partitions. Et les redouter.
Car que va-t-il advenir de la Belgique et de ce qui oppose Flamands (au nord) et Wallons ? Que va-t-il se passer dans la péninsule ibérique entre la Catalogne (au nord) et le pouvoir central espagnol ? À quoi peut-on s’attendre en Italie lorsque la Ligue du Nord trouve insupportable de soutenir économiquement le sud ? Que peut donner, à terme, la réticence de l’Allemagne (nord de l’Europe) à apporter une aide financière à la Grèce ? (sud de l’Europe)

Une opposition croissante nord-sud se dessinerait-elle d’un trait de plus en plus appuyé ?

 

Et, question subsidiaire, les uns et les autres ont-ils vraiment envie de se déchirer et de régresser ? Dans quel cas, et si tel est leur choix, qu’ils continuent à placer à la tête des états des tenants du nationalisme, du protectionisme égoïste, du populisme et de la pureté… des races. 

 

 

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A propos pierrevaissiere

On avait réussi à collecter une dizaine de mots qui parlent de l'olibrius qui écrit ces âneries, et voilà, ils se sont échappés. C'est pourtant pas faute de les avoir tenus en laisse.
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2 commentaires pour Chronique de séditions, sécessions et partitions annoncées

  1. phare & night dit :

    Rien que chez moi où j’habite les quartiers sud de ma ville du nord, ceux des quartiers nord nous en veulent pour avoir vu leurs impôts augmenter à cause des travaux d’assainissement de nos quartier sud qui, comme chacun le sait, ne pouvaient qu’être insalubres, à cause des déchets que ceux du nord venaient déverser chez nous. On n’en est pas encore venus aux mains, mais on ne trinque déjà plus avec ceux des quartiers nord, bien qu’on ait trouvé un bistro à côté du passage à niveaux qui sert de frontière.

  2. grand loup dit :

    inhabituelle chronique politique et c’est très bien vu !
    ..il n’y a pas que l’Afrique noire qui est mal partie !! et hélas ta liste n’est pas exhaustive,
    par exemple l’Irlande ou on ne cesse de sang’irlandais

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