Réflexions sur la boulimie, l’obésité, l’anorexie

À l’époque où j’allais animer un groupe de personnes touchées (parfois coulées) par (de) l’anorexie, (de) l’obésité et (de) la boulimie, il se trouvait que je relisais pour la énième fois Le Petit Prince, de Saint-Exupéry*. À chacun ses bibles.
Le boa qui avale l’éléphant, graphiquement parlant, ça ne pouvait que m’interpeler, comme on dit dans la jungle de nos cités modernes où il y a sans doute plus de bêtes sauvages en liberté que dans les savanes africaines. C’est ainsi qu’un BOA qui n’avait rien demandé était en quelque sorte devenu l’emblème de ce groupe.

Aucune de mes “clientes” (au demeurant de sacrés personnages) n’avait un quelconque lien de parenté avec la gent éléphant ou la gent boa, mais leur morphologie aurait pu créer le doute. Jamais entendu personne qualifier de boa, de serpent, d’orvet, de ver de terre ou ténia une anorexique, mais les obèses qu’on a pu traiter d’éléphant, ça n’est pas si rare. Colette Magny, trop magnifique personne, chanteuse hors pair de blues et free-jazz (et sans doute délaissée par les médias pour ces qualités) fait plus que le suggérer dans une de ses chanson, “Ras la trompe” de l’album Transit, avec le Free Jazz Worksop.

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Saint Ex. au premier et en arrière plan. Les autres ne sont que de pâles clones.

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Je livre ici quelques réflexions  sur cette immense sujet qui, à défaut de résoudre quoi que ce soit, donneront quelque lumière, voire un matériau qui, joint à d’autres plus tangibles comme ceux issus de la recherche scientifique, pourrait permettre de fabriquer une clé, du moins je l’espère.

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DES MOTS-BLESSURES
parce qu’ici, pour être, il nous faut bien paraître.

BOULIMIE
Ecoeuré, gerber, écoeuré, s’écoeurer jusqu’à se vomir soi-même. Bouffer, se goinfrer, s’empiffrer à s’en rendre malade et à s’en rendre encore plus malade parce que ça rend malade de se voir ainsi. Honte. Alors vomir, rendre, rendre ce qui a REMPLI sans jamais NOURRIR. Et honte encore.
Rendre parce qu’on ne mérite pas ; rendre jusqu’à ne plus paraître, donc disparaître. Rendre parce qu’on n’a pas envie de devenir une grosse vache.

OBESITÉ
Se remplir. De quoi que ce soit. Vide immense à combler. Vide de quoi ? De soi ? Bouffer, se goinfrer, avec une extrême application, sachant ou non ce qu’on fait.
« Sois ce que je désire que tu sois »
On emprisonnait les pieds des petites japonaises pour les empêcher de remplir leur fonction première de pied : l’autonomie motrice. On emprisonne l’être pour l’empêcher de se développer. On muselle sa personnalité, on ratatine son moi, on étouffe son ego, on prive l’être d’une partie de lui-même. Alors, et parce qu’ici, pour être il faut bien paraître, que faire d’autre que laisser son corps se dilater ?
Et on devient bon gros gentil -sinon comment être aimé ?- et un peu stupide -toujours prêt à accepter l’inacceptable-, boudin, grosse vache, tas de graisse, gros sac, gros tas… Trop gros, trop moche, trop lourd, si lourd qu’on n’arrive pas à se porter, tout juste à se supporter. À moins qu’on ne fasse semblant, ou tout comme, ou pas loin.

ANOREXIE
Le cour au bord des lèvres, d’avance, par ce dont on ne veut pas, par ce dont on ne veut plus, peut-être parce qu’un jour on en a souffert, et REFUS de tout ce qui pourrait COMBLER, sauf si ça ne se voit pas, comme un intellect démesurément grand. Alors par crainte, par lassitude, par manque de réaction, par écoeurement, par lassitude on se laisse glisser d’un côté ou de l’autre, le plus profondément possible… Maigre par refus d’accueillir tout ce qui pourrait nourrir la chair et lui donner corps.
Planche à repasser, sac d’os, tas d’os, Auschwitz… Corps-prison comme fil de fer… barbelé, pour se défendre ou rester enfermé. Camp retranché, cerné, surveillé. Miradors. Que le regard des autres soi le nôtre n’y change rien : c’est celui d’un snipper.

Mots-tourments, mots-assassins, ou autres moqueries jamais tendres même si l’auteur s’en défend. Mots qui troublent, blessent, enferment, humilient, avilissent ; mots qui, parce qu’ils font trop mal, font hurler en silence dans l’étendue sans fin d’une solitude jamais rompue.

Grossir, maigrir, grossir, maigrir, yo-yo…

Pratique pour la famille, confortable : on rejette sur l’autre le trouble familial ou social : c’est lui le fautif, c’est lui l’accusé. On se met des peaux de sauc’ sur les yeux, des boules Quies dans les oreilles, on pose de l’ouate sur l’entendement, et on cherche bien sûr à ramener la brebis égarée dans le droit chemin : celui de l’illusion, du mensonge, des non-dits.
Trop gros à s’être gavé sans jamais avoir été comblé… Trop maigre et mécontent de ne l’être pas assez.
La seule chose qui peut-être pourrait me nourrir, c’est cet espoir de disparaître, d’une façon ou d’une autre, croyant que seul “l’autre côté” pourra me combler. Alors exploser ou imploser.

Que je sois gros ou maigre, boulimique ou anorexique, il a bien fallu, plus ou moins, que je m’installe dans un modèle, car on ne devient pas ce qu’on est en un coup de cuiller à pot. Il faut de l’énergie et du temps pour devenir. Le modèle, peut-être suis-je venu au monde avec, mais comme rien de tangible ne peut confirmer ou infirmer cela, je ne peux sérieusement que m’occuper du modèle qui m’a été transmis dans cette vie.
Si ce que je suis ne me convient pas, c’est que mon modèle est inadapté. Mon modèle avec les idées reçues, les valeurs qu’on m’a inculquées, les étiquettes qu’on a projetées sur ma personne.

Refus, refus, refus de recevoir tout ce qui pourrait nous nourrir, nous combler. Parce qu’un jour on nous a dit qu’on ne méritait pas ou qu’on méritait plus. Mais quoi ?

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TROIS PETITES HISTOIRES ET PUIS S’EN VONT…

HISTOIRE 1

Porte du frigo grande ouverte. Ce n’est pas que je n’en ai rien à faire, c’est parce qu’aucune autre pensée que celle de bouffer tout de suite, là, maintenant, dans l’urgence, me prive de toute autre pensée. Et puis à quoi bon la refermer si je dois revenir dans pas cinq minutes ?
Canapé-précipice. Loupé le début de la série. Je zappe… à la rencontre de rêves qui jamais ne viennent à moi prendre corps dans ma réalité. Enfilé le paquet de biscuits, et le temps de déchiqueter le paquet de chips, il est déjà vide. Sur l’écran, la vie se déroule entre amour et violence, bas-coups et tendres baisers, cocktails B.C.B.G. et cocktails Molotov.
New-York et ses gratte-ciel, Miami et ses beaux culs, Chamonix et la glisse, Hong-Kong… Reste le paquet de pop-corns que je déchire rageusement –quelle connerie ces emballages !–, dont la moitié débaroule sur la moquette. Main aspirateur. Décor super-soft dans super-loft. Ca sent le décorateur. Ils entrent dans la chambre. Pub.
Sauvée ! Cuisine. Frigo. Merde, vide ! Le placard. Cornichons, biscottes, spaghettis –crus, car l’urgence commande.
Lumière du jour, les rideaux de voile écrus se balancent sous le vent. Explosion de plaisir, champagne, regards langoureux. Et moi, je m’emmerde, mon corps s’emmerde ; il ne vit rien.
Vide, néant, gouffre, non-lieu. Mon corps est vide, mon corps est seul, triste, mon corps a envie de vomir, mon corps me fait gerber, mon corps me fait horreur, me fait mal, mon corps me juge, mon corps est coupable, mon corps est victime, et mon corps se jette sur le bocal de cornichons (à défaut de la banane déjà bouffée) parce qu’il lui faut tout de même bien se remplir de quelque chose, à défaut de le vivre ; il lui faut tout de même bien se prouver qu’il existe, me prouver qu’il existe.
Dégoût du corps ; je me dégoûte. Et merde, tant pis. Après tout, j’en ai plus rien à foutre. Qu’est-ce qu’il y a à la télé ?

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HISTOIRE 2

J’ai craqué. Encore craqué. J’ai fait les fonds du frigo, les fonds de placard. Pas suffisant. Pas même pris le temps de me changer. Survêt détendu poches au genou et boulettes, descendu quatre à quatre les escaliers -en me disant que de l’énergie, j’en ai quand il le faut. L’épicerie fermée. C’est pas vrai, ils le font exprès ! Cinq minutes à arpenter le trottoir.
Pourvu qu’ils ouvrent à l’heure. Ouf ! Pris d’abord ça, parce que j’aime bien. Encore ça, j’adore. Puis ça, ça, ça, et encore ça… Ne sachant plus ce dont j’ai envie, je m’empare de tout ce à quoi ma main s’accroche, m’en accapare, me fichant pas mal de ce que ça va me coûter. Déjà ailleurs, je lance mon habituel « j’ai de la visite…», histoire de me raconter ma sempiternelle histoire à laquelle j’ai cessé de croire depuis longtemps. Question visite, rien à l’horizon, sinon la honte.
Les marches dans ce sens, c’est pas la même. Pouf pouf… je risque l’apoplexie mais le but est proche. Bras chargés, je donne un coup de popotin dans la porte que je n’ai pas pris le temps de fermer. Envie de cracher sur le miroir qui me reluque, mais pas le temps de m’y attarder.
Gavée, remplie, baignade gratuite pour les amygdales qui se soulèvent comme des flotteurs. Des flotteurs, j’en ai partout. Dedans, dehors… des flotteurs, des bouées, mais aucune de secours… Con de miroir. Conne de moi. Y retourner quand même constater les dégâts, tout à l’heure. Tout à l’heure si je peux encore me traîner, si ma visite aux chiottes ne me laisse pas K.O., écoeurée écoeurante, une fois de plus salie, trop salie, humiliée.
Non, pas le miroir ; pas encore, pas tout de suite, pas cette fois. Pas envie de chialer devant cette paumée que je déteste. Les miroirs, ça ne parle que de solitude, ça vous la fiche en pleine poire.

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HISTOIRE 3

« Arrête de parler, on n’entend que toi… » – « Si elle est coincée, elle est coincée ! » – « Elle est pas coincée, elle est timide…» – « Oui mais, elle pourrait quand même nous adresser la parole… c’est la moindre des politesses…» – « Si on te dérange, fais-nous signe. » – « Moi je comprends pas les gens qui ne regardent même pas quand on leur cause. »
— Mais vous pouvez pas lui foutre la paix ? Allez, viens ma chérie. Laisse-les à leurs bêtises. Viens donc là. Moi, je sais ce qu’il te faut… Mmmmmmhhh, il ont l’air délicieux ces gâteaux…

« Coincée, oui, je suis coincée, coincée par cette bande d’abrutis. Encore une fois. Mais qu’est-ce qu’ils veulent à la fin ? Ils peuvent pas me lâcher les baskets ? Je ne leur demande rien ; je n’en ai rien à faire de leurs discussions à la con. Et puis leur raconter quoi ? Ce que de toutes façons ils ne comprendraient pas, leur dire ce qu’ils aimeraient que je leur dise ?
Ou leur dire combien j’en ai marre, combien j’en ai plus que marre, combien j’ai envie de chialer ? Pour qu’ils en profitent et m’enfoncent encore plus ? À me prendre la tête entre les mains pour me boucher les oreilles, je leur en dis bien assez…
Et l’autre gros porc qui essaie de me peloter dans un coin… Et le moustachu avec ses ronds de jambe qui passe son temps à me mater… Et elle, Madame QUI-SAIT-TOUJOURS-CE-QU’IL-ME-FAUT… Qu’est-ce qu’elle en sait de ce qu’il me faut ? Avec ses mots dégoulinants, gluants, ridicules, avec ses caresses qui me hérissent, avec ses bras de pieuvre qui m’étouffent et son souffle qui me donne envie de gerber… Qu’est-ce qu’elle en sait de ce que j’attends, de ce que je souhaite, de ce que je veux ? Peut seulement imaginer que JE NE VEUX RIEN. RIEN. Rien d’autre que rien et qu’on me foute la paix, surtout elle, ma mère. »

Voila, c’est tout pour l’instant, tout et peu de choses, tant le sujet est vaste. C’est sommaire, caricatural, peut être pas assez caractéristique de ce que vous connaissez à travers votre propre expérience ou à travers celle d’un proche.

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Quelques minuscules clés pour s’ouvrir à un changement.

I – LA BALANÇOIRE
La vie, c’est de l’inspir-expir. Elle procède de cela, elle se manifeste par cela.
Vivre, c’est quelque chose comme essayer de tenir en équilibre sur une balançoire dont les bouts sont des forces contenant de part et d’autre : inspir / expir ; principe féminin / principe masculin ; conception / action ; introversion / extraversion ; passé  /futur ; conscient / inconscient ; recevoir / donner…

RÉTRACTION/DILATATION ; MAIGRIR/GROSSIR…
Nous sommes debout, à peu de chose près au centre de la balançoire, et c’est en nous déportant alternativement d’un côté ou de l’autre que nous arrivons à garder cet équilibre qu’est la vie. Parce que nous sommes en perpétuel mouvement, nous pouvons le conserver, et c’est cet “équilibre instable” qui nous permet de vivre. La vie, c’est le contraire de cette stabilité illusoire qui résulterait d’une balançoire figée, une des extrêmités clouée au sol.
Mais faire de la balançoire, cela s’apprend et demande du temps. Lorsque nous sommes enfant, parce que nous sommes encore un peu “gauches”, notre équilibre est fragile, et nous devons compter sur les autres pour nous aider à le trouver. Parfois, et parce que nous pouvons avoir de la difficulté à trouver notre équilibre, où parce que celui que nous trouvons ne convient pas à notre entourage, ce dernier se charge de nous dicter ce que nous avons à faire, nous imposant l’équilibre qui le satisfait, lui. Équilibre qui ne peut en aucun cas nous être bénéfique s’il ne correspond pas à ce que nous, nous attendons.
Si des expériences négatives (sevrage mal vécu, sentiment d’abandon, humiliation, besoins non satisfaits, sentiment d’être de trop, d’être étouffé, d’être gavé de nourriture ou d’affection, etc) interviennent lors de notre période d’apprentissage de l’équilibre, alors que notre « moi » n’est pas encore construit, nous pouvons décider consciemment ou inconsciemment :

• de nous faire “le PLUS PETIT, le PLUS DISCRET possible”, en érigeant les barrières les plus hautes et les défenses les plus “agressives” possibles pour nous protéger : c’est la voie de la RÉTRACTION poussée à l’extrême ;
• de nous rendre “le PLUS VISIBLE, le MOINS DISCRET possible”, pour signifier aux autres que nous sommes là, que nous existons, que nous attendons d’eux qu’ils nous voient et nous considèrent : c’est la voie de l’expansion ou DILATATION poussée à l’extrême.

Dans les deux cas, nous ne pouvons prendre notre JUSTE PLACE ni notre JUSTE VOLUME, et si nous voulons en changer, quelque chose nous fait irrémédiablement aller “de l’autre côté”, le souvenir de l’expérience négative que nous avons vécue nous interdisant de prendre notre JUSTE PLACE et notre JUSTE VOLUME, au juste milieu, entre RÉTRACTION et DILATATION. Nous nous enlisons dans l’ornière.

Dans la phase de DILATATION poussée à l’extrême, nous sommes insouciants, dilapidons notre énergie et puisons sans nous en rendre compte dans celle utile au bon fonctionnement de notre organisme*, épuisant toute notre énergie. Nous pouvons ou ne voulons pas nous rendre compte des maladies qui s’installent à notre insu et qui ne se révèlent qu’une fois le mal fait. Nous ne sommes pas à l’écoute de nous-mêmes, ne nous intériorisons pas, oubliant toute vigilance, alors même que nous pressentons que nous brûlons la chandelle par les deux bouts. Nous sommes plutôt HYPOSENSIBLES, car sans sensibilité de défense, que ce soit PHYSIQUEMENT ou PSYCHIQUEMENT. Notre surface de contact avec l’extérieur est si grande que nous ne pouvons filtrer les informations que nous recevons. Nous sommes perméable à l’excès et pouvons ainsi perdre tout sens critique. Dans cette phase de dilatation, nous privilégions la quantité à la qualité, préférons la compagnie à la solitude, sommes facilement influençables. Spontanés, nous sommes amenés à agir sans bien réfléchir à la portée de nos actes.

Dans la phase de RÉTRACTION extrême, et étant attentifs à tout ce qui pourrait nous mettre en situation de danger, nous nous défendons en permanence, dressons une barrière étanche pour nous protéger psychologiquement, physiquement et énergétiquement. Nous ne laissons l’extérieur pénétrer que très peu en nous et le filtrons très efficacement, ce qui nous permet dans un premier temps de prévenir la maladie, la fatigue, les ennuis de tous ordres ; mais nous filtrons si efficacement ce qui pourrait nous « nourrir » que rapidement nous finissons par refuser tout ce qui peut venir de l’extérieur, qu’il s’agisse d’aliments, d’affection, voire d’ informations. S’il se passe quelque chose que nous vivons comme pouvant présenter une gêne, nous nous mettons en alerte en mobilisant notre énergie que nous concentrons sur cela, sans plus alors nous occuper d’autre chose. Nous sommes plutôt HYPERSENSIBLES, attentifs à économiser notre capital énergie déjà bien entamé par le système de défense et de protection que nous avons mis en place. Gérant ce capital au plus serré, nous pouvons vivre longtemps, ou faire semblant, passant notre temps à nous écouter en permanence, nous extériorisant le moins possible et restant vigilants, comme l’animal traqué, à tout ce qui pourrait nous atteindre. Dans cette phase de rétraction, nous préférons la solitude à la compagnie, la qualité à la quantité. Nous réfléchissons, mentalisons, concevons en abondance et longuement, sans pouvoir agir tant nous sommes indécis.

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Si notre équilibre n’a pas été remis en cause lors de notre période d’apprentissage, nous navigons quelque part entre les deux pôles extrêmes que représentent dilatation et rétraction, pouvant changer de lieu d’un moment de la vie à un autre, d’un âge à un autre, d’une saison à l’autre, ne nous fixant sur aucun de ces deux pôles, et ne nous éloignant que très peu du centre. Dans le cas contraire, nous allons « jusqu’au bout » d’un côté ou d’un autre, ne faisant que passer rapidement au centre. Lorsque las d’expérimenter un pôle, nous voulons en changer, nous nous retrouvons éloigné de ce centre, comme repoussé par cette force inconsciente que nous avons mise en place pour ne plus avoir à recontacter ce qui nous a pu nous fairet souffrir par le passé.

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II – VEHICULE ET ORNIERES

Quelque chose a pu nous amener -parce que nous nous sommes vus en péril-, à abandonner notre place, à déserter notre poste de commande et de contrôle, à « nous quitter », à ne plus être en nous, laissant cette partie de nous qu’est notre personne se débrouiller seule. Nous nous sommes alors installés dans un univers où nous croyons que le regard des autres, les désillusions, les jugements, vexations, humiliations, blessures que nous avons pu connaître ne pourront plus nous atteindre.
Ce faisant, nous avons mis en place des procédures de non-vie (qui nous ont entraîné soit vers la RÉETRACTION-INTROVERSION, soit vers la DILATATION-EXTRAVERSION), qui rapidement sont devenues des habitudes, des réflexes conditionnés. Se sont forgés ainsi des systèmes de croyance sur lesquels notre vie s’est construite, et nous ne pouvons remettre en cause notre cheminement que très difficilement. Et lorsque l’habitude est prise, ce chemin étant le plus connu, le plus en accord avec ce pseudo choix de vie, il nous est très difficile d’en changer.
Parce qu’un chemin que nous avons pris un jour nous a fait souffrir, nous le délaissons définitivement et en choisissons un autre sur lequel, à force de passer, nous creusons des ornières que nous finissons par ne plus pouvoir quitter. Et lorsque nous voulons changer de route, notre véhicule a des ratés, fait des embardées, s’affole, et finit par retomber dans les ornières, avec pertes, fracas, et culpabilité (c’est la main qui repioche dans le frigo, celle qui replonge dans le fond de la gorge, celle qui refuse tout ce qu’on lui offre… et c’est à nouveau le dégoût de soi, malgré cet espèce de contentement de soi qui fait dire : « De toutes façons je n’en ai rien à faire des autres, je les déteste comme je me déteste, et je finirai bien par arriver à mes fins : mourir en me desséchant sur place ou “crever” en me faisant éclater la panse ou le coeur.

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III -ET VOGUE LE NAVIRE

Un être, c’est comme un navire avec son équipage, ses machines, ses soutes, sa passerelle, ses moyens de communication externes avec l’armateur, les ports, la météo, etc., et ceux internes entre les très nombreux postes qui participent à sa marche Le capitaine du navire, c’est la conscience, c’est le « moi ». Les amarres larguées, le navire est autonome. Il ne peut compter que sur lui-même, même s’il peut être amené à croiser d’autres bateaux qui pourront l’aider éventuellement. Plus le voyage est long –et la mer (la vie) recelant toujours des dangers–, plus le navire doit être en bon état de marche, plus son armateur et son capitaine doivent avoir veillé aux règles de sécurité et les observer.
Un navire, maintes péripéties lui arrivent. Il peut traverser des tempêtes et dériver par suite d’avarie ; une mutinerie peut éclater à bord ; l’armateur peut exiger de lui plus qu’il ne peut, etc. Alors, avant de lui faire prendre le large, on effectue de nombreux essais, d’abord à quai, puis en mer. Et vogue le navire, ou vogue la galère… au gré des vents favorables ou non, des événements agréables ou non, comme par exemple :

• le capitaine (la conscience) peut déserter le navire (le corps), laissant celui-ci dériver au gré des événements (ABANDON DE POSTE) ;
les directives que donne le capitaine (la conscience) à l’officier de quart (l’hypophyse) ne sont pas suivies d’effet (FAIBLESSE, MAUVAIS CENTRAGE) ;
l’équipage peut se révolter, les machines et appareillages mal entretenus ne plus répondre (NON COMMUNICATION, LAISSER-ALLER) ;
le bateau peut subir un coup de tabac, ce qui le force à se mettre à l’abri et à y rester s’il craint (à tort ou à raison) d’en subir un autre ;
la Compagnie d’armement (la Société) peut exiger du navire plus qu’il ne peut, et par crainte de sanctions, le capitaine peut préférer jouer le jeu de la compagnie, sachant pourtant qu’il met ainsi navire et équipage en danger (NON RESPECT DE SOI, OBEISSANCE AVEUGLE) ;
une mauvaise communication interne, des ordres non collationnés entre l’officier de quart (l’hypophyse), la passerelle (l’hypothalamus), et l’équipage et le matériel sous sa responsabilité (les organes, le système glandulaire…) met en péril la bonne marche générale ;
l’officier de quart (l’hypophyse ?) comprend mal les directives du capitaine (la conscience) et transmet des ordres inadaptés ou vidés de leur sens à la passerelle (l’hypothalamus ?) qui répercute à l’équipage (MAUVAISE COMMUNICATION, MUTISME, SURDITÉ, INTERPRÉTATION) ;
le capitaine peut ne pas se rendre compte des capacités réelles du bateau, et embarquer trop de fret à son bord, avec le risque de couler (DILATATION/SUR-ESTIMATION) ; ou au contraire pas assez de fret, avec le risque de se retourner (RETRACTION/SOUS-ESTIMATION), (IMAGE DE SOI DISTORDUE) ;
l’équipage a fait une telle bringue la veille du départ qu’il répond incorrectement aux ordres reçus et n’en fait qu’à sa guise… (MAUVAISE HYGIENE DE VIE, INDISCIPLINE) ;
le cuistot a préparé un repas si indigeste que tout le monde s’est endormi (ALIMENTATION INADAPTÉE), y compris les responsables de la salle des machines qui ne se sont rendus compte de rien quand le moteur a commencé à fumer (VENTILATION, RESPIRATION DÉFICIENTE). L’intoxication qui a gagné tout l’équipage semble être la cause de l’échouage ;
le pilote qu’on a embarqué à bord –sur ordre des autorités portuaires– pour franchir une passe difficile n’a dû avoir pour toute expérience que le pilotage d’un pédalo… mais le capitaine l’a tout de même suivi dans ses prises de décision (MANQUE D’AFFIRMATION DE SOI, DE RESPECT DE SOI) ;
la force de l’habitude a amené le capitaine à toujours suivre le même premier chenal qu’il avait emprunté pour échapper aux invectives et menaces de la capitainerie du port (il s’était fait accuser d’être un incapable, alors que c’était sa première sortie en autonome). Cet autre chenal, il sait bien qu’il existe et qu’il est plus facile d’accès, plus rapide, qu’il permet une bien meilleure circulation, mais… pour lui, c’est exactement comme s’il n’existait pas. Et pourtant, combien de fois il s’est promis de changer de route, sans jamais oser “y aller” (CONFORT, CONFORMISME, NON PRISE DE RISQUES).

…autant de cas de figures qui ont pu participer à installer ANOREXIE, BOULIMIE, OBÉSITÉ.
Sans compter, bien sûr, les autres paramètres : l’environnement, l’hérédité, etc.

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* Saint-Exupéry, Antoine (de). 1946. Le Petit Prince. Paris, Gallimard.
* 3/4 de l’énergie disponible est utilisé pour le fonctionnement de l’organisme : mouvements respiratoires, contraction du coeur, tonus musculaire inconscient, sécrétions diverses, oxydation cellulaire, etc. Ce qui reste d’énergie est disponible pour ce que nous faisons consciemment.

 

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A propos pierrevaissiere

On avait réussi à collecter une dizaine de mots qui parlent de l'olibrius qui écrit ces âneries, et voilà, ils se sont échappés. C'est pourtant pas faute de les avoir tenus en laisse.
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Un commentaire pour Réflexions sur la boulimie, l’obésité, l’anorexie

  1. Mauviris dit :

    Si je vous surprends à me suivre pour raconter comment je me comporte quand je crise, ça va barder. On dirait vraiment que vous m’avez espionnée. Z’êtes qu’un vilain voyeur, mais merci pour les pistes que vous donnez avec des exemples parlants.

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