Le 1e mai, obéissant au slogan « faites du travail », je travaillerai. Pas trop, à cause que je l’aurai déjà fait l’avant veille et le lendemain de cette avant veille, donc la veille, ce qui m’aura fatigué, presque autant que d’avoir écrit ce que je viens d’écrire, ce qui m’aura permis de faire quasiment la totalité des tâches que j’avais initialement envisagé d’effectuer le 1e mai.
Je dois mettre des tonneaux en perce, un vin iranien que j’exporte en Israël pour le compte de négociants à qui il importe que le pinard qu’ils importent vienne de contrées où on ne peut pas dire que l’exercice de la viticulture ne soit pas dangereux. Ils vendent le litre, ce qui fait exactement 75cl, à un prix frisant celui d’une simple coupe chez le moindre coiffeur de quartier, qui n’en fait pas, pour la bonne raison qu’il a toujours échoué à son CAP de garçon coiffeur, raison pour laquelle le suicide chez ses clientes est chose courante, presque autant que certaines chiennes de chasse.
Après, comme je serai fatigué, j’irai faire la sieste dans un de ces nombreux défilés qui ont promu ma région au grade de “vaut le détour”, “point de vue, produits locaux, visitez son église, ses vieilles pierres et ses punaises de bénitier, Ses auberges, Son cimetière si paisible, son lavoir et la mère Denis qu’a perdu sa chatte qu’un chômeur d’origine maghrebine lui a ravie, si c’est pas malheureux, etc”. Un très joli panneau finement décoré.
Une paroi de chaque côté, deux aplombs suffisamment hauts pour procurer l’ombre bienfaisante qui vous permettra de faire une sièste à rendre jaloux et damner un adpete de la narcolepsie, je ne comprends pas que ça existe, quel modèle on donne à nos enfants, surtout s’ils sont issus d’un ventre mahométan, sale temps, mais où va-t-on. Qu’on ne s’étonne pas de trouver des chômeurs à tout coin de rue et de défilé. Celui-ci mesure plus d’un kilomètre de long. Avec l’écho que produisent les pas sur la chaussée, il y en a de par chez nous qui disent la caussée, inutile de dire que je suis prévenu de l’arrivée d’un importun, même s’il avance les pieds chaussés de babouches, ou d’une seule babouche si c’est un chômeur nécessiteux ou s’il est unijambiste, mais c’est rare que les unijambistes viennent au défilé, à cause que les gamins leur jettent des pierres du haut des falaises (14700), ou pire des bouteilles vides de Calvados qu’ils ont sifflées, leurs parents ayant déserté le domicile pour aller dans un défilé où il n’y a que de vrais travailleurs, c’est n’importe quoi. Juqu’à présent, je n’ai jamais entendu un local parler d’un cômeur.
Une fois j’en ai vu un, d’unijambiste, se casser la figure après qu’il eut malencontreusement enfilé sa jambe de bois dans le goulot d’une de ces bouteilles, sous le regard amusé des garnements. Il a réussi à se relever et, finalement, a pu s’en retourner chez lui en maugréant ce qui ressemblait à des injures, incompréhensibles. Plus tard je l’avais vu claudiquer tranquillement dans les rues ensablées de la station balnéaire de Falaise-Plage, sa jambe de bois coincée dans la bouteille dont la base, d’une surface supérieure à celle de l’embout catoutchouc de sa ligneuse prothèse en chataignier, évitait à ladite jambe de s’enfoncer dans le sable. Le chataignier présente l’avantage de ne produire que peu d’échardes, surtout s’il est bien poncé, ce qui évite l’usure prématurée d’une des jambes de pantalon, et un pantalon n’étant pas réversible, on comprend tout l’intérêt de préférer ce bois à du douglas dont les échardes sont terribles, sauf pour les couturières qui ravaudent les pantalons et y trouvent leur compte. Tout ça pour dire que les affirmations du genre « bien mal acquis ne profite jamais » ne concerne en rien certains infirmes.
Après le défilé, je me rendrai au monument aux morts pour y honorer Jeanne d’Arc, et comme le mois de mai c’est le mois de Marie, j’en profiterai pour honorer la sainte Vierge Marie, que depuis le temps que je l’honore je me demande pourquoi je dis encore la Vierge Marie. Pourquoi leur nom n’est pas gravé sur le monument en granit de Bretagne, comme si on n’avait pas aussi bien en Normandie, je ne l’ai jamais su, mais je trouve cela indigne.
Après j’irai chez Nénesse, mon pote qui fait dans le mouton, voir s’il n’aurait pas du muguet à me refiler. À moins qu’il ait emmontagné en Suisse, que ça ne m’étonnerait pas, et que si ça se trouve, ils paissent au-dessus de mon défilé. En Suisse normande, pas la romande ni une autre, ça ferait une telle trotte que tes moutons, faudrait les vendre à prix d’or, et il ne faut pas compter sur ceux qui fêtent l’Aid-el-Kebir, chômeurs et tout, qui ne risquent pas de les acheter, pas plus qu’ils n’iront au défilé des vrais travailleurs, il ne manqueait plus que ça. Une autre année, même jour, je veux dire un 1e mai aussi, mais pas le même que celui-là, c’est des merdes de mouton que les merdeux avaient jeté sur un unijambgiste, je ne sais pas si c’était le même que celui de la bouteille, mais il avait gueulé tout pareil quand les mioches avaient balancé un mouton. Allah akbar, Allah akbar, ou un truc comme ça, et d’autres trucs incompréhensibles qui devaient être des injures. Je m’imagine, moi, pas chez nous en Normandie, mais en Suisse, par exemple, où ça ne parle pas toujours le français comme par chez nous, recevoir un mouton alors que je me promène tranquillement avec ma jambe de bois dans un défilé, possible que je gueule un truc comme « putain de bordel de dieu ». Pas sûr que le gars qui se rendrait dans le défilé pour y faire un petit somme comme un Suisse, parce qu’il l’est, que question somme il paraît qu’ils s’y connaissent drôlement et que même ils les additionnent, pas sûr qu’il comprenne ce que ça veut dire, ce que je gueule. Maintenant, c’est vrai qu’il n’y a aucune raison que j’aille en Suisse étrangère. Dans celle de chez nous, il y a bien assez de défilés.