Ecrire dans un café, à tous les temps, par tous les temps…

Écrire dans un café. Tel était le thème d’un article de Jean-Paul Galibert, il y a plusieurs semaines. J’avais griffoné deux petits commentaires titrés Ecrire DANS un café et Ecrire AU café. C’est dans ce plus ou moins droit fil –écrire– que j’ai scribouillé quelques gentilles sottises.

Écrire DANS un café
Je suis allé au café. Rien d’extraordinaire, puisque j’y vais plusieurs fois par jour. J’ai commandé un café, un double. Dans une grande tasse, j’ai demandé.
Trop petit.
Un double double, je vous prie.Dans un très grand bol, que ça ne déborde pas.
Encore trop petit.
J’ai hélé le garçon. Pensant que ça ferait l’affaire, je lui ai demandé un quadruple double double. Dans une soupière, s’il vous plaît.
Certes, je pourrais y plonger les mains, sortir mon stylo waterproof à encre indélébile. Pour écrire n’importe quoi à l’aveuglette et en mettre partout ?
Finalement je crois bien que je vais prendre un fût, lui ai-je dit. Sans sucre. Un de 130 litres, ce serait parfait.
Stylo et papier en main, j’ai plongé. 

Écrire AU café
Page vierge, porte plume. Je n’ai rien écrit depuis plusieurs mois. Écailles d’encre sèche sur la plume Sergent-major. Je la jette, en fixe une autre. Une minute de gazinière, l’eau est tiède. Dix cuillèrèes bien tassées de café soluble dans un petit mazagran, plus deux sucres, une pincée de sel et une once de vinaigre, un truc de ma grand-mère pour fixer la couleur. Je touille consciencieusement, indispensable pour éviter de faire des pâtés. Laisser reposer deux minutes, l’encre est prête.

Écriture automatique
Brancher l’appareil. Quitter la pièce avec suffisamment de bruit pour que la machine, sachant que vous vous êtes éclipsé, ne ressente pas cette gêne connue des scripteurs quand on regarde par-dessus leur épaule ce qu’ils sont en train d’écrire, chose insupportable.
Café et cigarette –ils aident à la concentration– sont les bienvenus. Laisser œuvrer la machine le temps qu’il faut. Lorsque celui-ci est échu, votre texte est prêt à la lecture.

Écrire sans faute
Écrire sans faute, peut s’écrire Écrire cent fautes. Cependant, si on vous demande d’écrire sans faute, sans plus de précisions dans l’énoncé, refusez d’écrire quoi que ce soit si vous ne voulez pas qu’on vous colle un zéro pointé. La mauvaise foi n’est pas votre apanage, et ceux qui vous demanderaient une telle chose ne cherchent peut-être qu’à vous dévaloriser.
Notez qu’écrire sans faute ne devrait pas pouvoir s’écrire écrire sans fautes (donc avec une S à faute). Vous devez comprendre pourquoi.

Écrire en long, en large et en travers est certes amusant, mais le résultat est généralement décevant, notamment quand il s’agit de passer à la lecture.

Écrire au fil de l’eau est bien agréable. A condition toutefois de ne pas être rhumatisant.

Écrire avec son sang
Cette pratique tombe en désuétude depuis que l’Assurance Maladie rechigne à rembourser l’Aspirine. C’est bien dommage, car lettres d’amour, de haine, de menaces de meurtre, de promesses et autres engagements en perdent panache et crédibilité.

Écrire de la main gauche, pour un droitier, et vice-versa pour un gaucher
Rien de plus simple : Prenez une grande feuille. Armez vos mains d’un crayon dont vous avez préalablement et correctement taillé la mine. Un stylo bille, voire un feutre peuvent faire l’affaire. Posez les pointes au centre de votre feuille et écrivez en miroir en éloignant vos mains l’une de l’autre. Si vous arrivez à lire ce que la main que vous utilisez habituellement a tracé, rien de plus normal, quoi que. Mais si vous arrivez à lire ce que votre autre main a écrit, je parle de celle habituellement gauche, même si c’est la droite, et qui est moins adroite que l’autre, vous êtes en présence d’un miracle.
Ne desespérez pas, cependant, car rien ne dit que vous ne devriez pas finir par obtenir un résultat convenable.

Écrire à brûle-pourpoint
Vu l’origine de cette expression, l’épée de Zorro eut été chauffée au rouge lorsqu’il traçait son fameux Z (qui veut dire Zorro) sur la poitrine de son interlocuteur, on eut pu, sans craindre de dire une sottise, affirmer qu’il écrivait à brûle-pourpoint, façon très expéditive d’adresser un message.

Écrire à bâtons rompus
On utilise les lettres bâton qu’on confectionne avec des bâtons pour les lettres raides, avec de l’osier pour les lettres souples et arrondies. Un couteau-scie de ménage et une paire de ciseaux suffiront généralement, mais on peut tout simplement rompre les bâtons comme on rompt le pain. L’écriture bâton ne comportant pas de ligatures, le moindre souffle de vent peut être cause de désordre dans l’agencement des lettres. On aura donc intérêt à fixer celles-ci à l’aide de colle, punaises, agrafes, clous, voire tire-fonds pour les plus grosses comme celles qui composent le mot Hollywood, à Los Angeles. Le chewing-gum peut également convenir.

Écrire au fiel
On utilise le fiel de bœuf ou, à défaut, celui de vache. 
Parfait pour écrire de magnifiques paroles de fiel, aussi bien sur les portes d’entrée laquées que sur les baies vitrées ou sur les carosseries des voitures. Quelques gouttes ajoutées à la couleur, elle accrochera sur toute surface, et le tour est joué. De cochon. Gardez quelques gouttes de ce produit miracle qui pourra toujours vous servir.

Écrire au volant n’est pas toujours chose aisée, mais les histoires produites peuvent être d’un grand réalisme comme dans le cas d’une histoire où il serait question d’un accident de la circulation, que celle-ci soit routière, ferroviaire, maritime ou céleste aérienne. Que certains véhicules de transport ne soient pas pourvus de volant ne gêne en rien la narration d’une telle mésaventure à laquelle l’absence d’un outil de direction en rajoutera à la portée dramatique de l’histoire.

Écrire à tous les temps
Il ne s’agit en rien d’adresser une missive à ces mouches piqueuses et suceuses qui, l’été, tourmentent de leurs piqûres les bœufs, les chevaux, les humanoïdes. Cela prendrait trop de temps. Non, il s’agit d’écrire à tous les temps, à savoir au présent, au futur, à l’imparfait (c’est le plus facile), etc. Sans pour autant attendre la moindre réponse, notamment de la part du futur, à moins que celui-ci soit disposé à jouer la pythie.

Écrire par tous les temps
Écrire par n’importe quel temps exige de posséder un bon équipement : une ombrelle, un parapluie, une tente avec diverses gueuses pour empêcher que la toile ne s’envole par grand vent, une caisse de gueuses pour se désaltérer si l’ombrelle ne produit qu’une ombre de mauvaise qualité, une autre gueuse pour le batifolage, un anorak et des après-skis si vous comptez écrire le scénario du dernier volet de ce monument de l’art cinématographique Les Bronzés font du Ski. On préfèrera un bon crayon qui ait bonne mine aux stylos à encre ou autres feutres s’ils ne sont pas à l’alcool. Le papier sera waterproof, voire pelliculé, ce qui obligera à lui passer une légère couche de fiel de bœuf pour que la couleur accroche. Une bonne table en bois et une chaise confortable de même composition seront nécessaires. En été, afin de pouvoir écrire de nuit, il sera profitable de s’installer au plus près d’un troupeau de vers luisants ou d’une escadrille de lucioles.

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A propos pierrevaissiere

On avait réussi à collecter une dizaine de mots qui parlent de l'olibrius qui écrit ces âneries, et voilà, ils se sont échappés. C'est pourtant pas faute de les avoir tenus en laisse.
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