Ecrire c’est pas du gäteau

Écrire c’est pas du gäteau surtout lorsque la touche accent circonflexe tape tréma à sa guise. S’il n’y avait que ça, passe encore, mais non, il n’y a pas que ça, il y a le reste. Ou les restes, si on préfère, ceux de la mémoire. Je n’ai rien contre les gäteaux, mais ce n’est absolument pas cette pätisserie que je voulais citer, mais celle qu’on élabore en faisant une päte brisée ou sablée que l’on étend au rouleau à poils ras pour éviter les trumeaux grumeaux. On y dispose des lamelles ou des cubes de pommes, tout ce qu’on veut, ou des prunes si on n’a rien. Avec des clous ça fait aussi, mais ça raye les dents. Si la päte est trop brisée on peut toujours poser un plätre ou mettre des bouts de bois en guise d’attelles, mais il faudra penser à les enlever avant de servir. On met la pareille l’appareil dans la machine à cuire dont le nom m’a échappé peut-ëtre à cause que c’est toujours brülant, et on y cuit jusque ça nous dise que c’est cuit. Normalement ça fait comme un gazouilli d’oiseau de bon augure sauf si on a oublié de mettre la minuterie pour nous sortir de la sieste, la gueule enfarinée. Après on a plus qu’à y manger, si c’est mangeable. Des fois ça l’est tellement qu’un convive qui se shoote au sucre dévore tout, c’est malin !
Drölement dur d’écrire, d’autant plus si on n’a aucune idée de ce qu’on veut écrire parce qu’on l’a oublié en route en allant chez la marchande de fruits, une pipelette qui en profite sous prétexte qu’on ne pipe pas mot. Une vicieuse ! Je n’aurais rien contre le fait de piper mot si les mots me venaient, mais quand ils débarquent enfin il y en a tellement que je me mélange les pinceaux, faut voir le tableau ! Et avec le temps que je passe à les trier,  je me retrouve à faire cavalier seul, perdu dans un lourd silence où je m’enterre m’enferre à me taire.
C’est pas le plus dur, pour écrire, loin de là ; le plus dur c’est d’être au diapason avec ce qu’on a dans le coeur, d’autant si on nous a posé des raccords de tuyauterie à cause que les tuyaux sont percés ou écrasés suite à une histoire sentimentale qui a mal fini, c’est triste. « Des stents » on vient de me souffler, un truc que je déteste un peu à cause de l’haleine et beaucoup à cause qu’avec mes cheveux dans le cou ça chatouille. « Des endoprothèses, si tu préfères » me redit-on redondant, comme si je ne le savais pas. Toutefois je ne me rappelle absolument pas avoir appris ce qu’était un stent, pas plus que deux.
La mémoire joue des tours, certes, mais il y a pire pour ce qui est de la difficulté à écrire. Comme quand le marchand de crayons baisse le rideau de sa vitrine prétextant que son pote marchand de papier n’ayant plus de stock, il y a peu de chances qu’un client ait besoin d’acheter un crayon. « Et sur quoi vous allez écrire, sans papier ? » me dirait-il à coup sür si j’étais le client en question. Parce qu’il m’arrive d’oublier qui je suis, avec mon nom, ma date de naissance, mes mensurations, la couleur de mes yeux, je ne sors jamais sans papiers. Et il vaut mieux quand on croit être un SDF parce qu’on a oublié non seulement où on habite mais qu’on a même oublié qu’on habite quelque part.
J’en suis à me demander ce que je pourrais bien écrire lorsqu’une odeur äcre de fumée m’agresse les narines. « Le four, nom de dieu !  Pour la tarte, c’est foutu » m’écriè-je sans l’avoir pensé.
Faut que je me hâte avant que ça crame tout, me dis-je ému mais heureux de pouvoir à nouveau circonflexer et d’avoir retrouvé le nom de cette satanée pâtisserie plus celui de la pareille l’appareil de cuisson.


Je dédie ce texte à ceux qui n’ont ni papier ni crayon

A propos pierrevaissiere

On avait réussi à collecter une dizaine de mots qui parlent de l'olibrius qui écrit ces âneries, et voilà, ils se sont échappés. C'est pourtant pas faute de les avoir tenus en laisse.
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Un commentaire pour Ecrire c’est pas du gäteau

  1. KanCKonYVa dit :

    Bonjour Pierre, de retour sur la blogosphère je refais le tour de mes blogs chouchou, et je tombe sur ce texte… Quelle liberté cette écriture ! Mais quelle frustration aussi… Quand les mots ne sortent plus, quand l’inspiration n’est plus, quand sa propre priorité n’est plus au lâcher prise de la feuille mais au ronron du quotidien … Ce qui m’a valut quelques mois d’absence par ici, mais le galop de la plume m’a rattrapé et me revoici bien heureuse de redécouvrir tous ces univers de mots,
    A très vite par ici ou la bas

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