Apéros politiques, gauche, droite et philosophie de bistrot

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Un apéro politique, on appelle ça, dans notre équipe de bras cassés. Notre siège, c’est chez Dédé, le bistroquet dont on est devenus les piliers sans lesquels le bouiboui aurait fermé depuis un bail. On y débat de tout en causant de rien ; on y défait et refait le monde ; on s’engueule et on jure comme des charretiers avant de se rabibocher en levant le coude.
On se traite de peignes-culs, de couilles molles, de staliniens, d’ayatollahs, de fachos, et au pire des prises de bec, injure suprême, de conciliateurs. Pendant que Dédé compte les points et encaisse.

La gauche prend la balle, la droite l’intercepte, le centre la rafle avant de la perdre par crainte de s’engager à fond les manettes. Au dernier verre (avant le prochain, celui des soigneurs) c’est toujours le match nul, qu’on s’ingénie à garantir, quitte à marquer un but contre son propre camp. Hors d’haleine que les apéros ont moult chargée, on philosophe.

Comme ce jour où, grimpé sur une chaise, Léon y  était allé de sa verve : « Je n’ai rien contre ceux qui sont pour, et je ne suis pas pour ceux qui sont contre ceux qui sont contre, pas plus que je suis pour ceux qui sont pour ceux qui sont contre. En général, je veux dire, car il m’est bien arrivé une ou deux fois d’être contre ceux qui sont pour ceux qui sont contre, avec lesquels je ne suis le plus souvent pas toujours d’accord, même s’ils ne sont pas systématiquement contre moi. Et ça ne me pose aucun problème de savoir que certaines personnes sont toujours d’accord, y compris avec celles qui ne sont pas du même avis qu’elles, et qui parfois sont même carrément contre, et pour finir.. »
— Pour finir, tu finis et tu te la fermes !
« Léon, c’est le roi de la flottille », avait lancé Dédé entre deux dzoïngs de sa caisse enregistreuse. « Toujours prêt à se mouiller » il avait ajouté en rifougnant.

Deux trois « Ta gueule Léon » avaient fusé, suivis des chocs cristallins des godets accompagnés des souhaits de santé qui vont avec.
Le thème étant lancé, Bébert avait pris le relai :
« Moi, ça n’est pas le contraire, mais c’est autre chose. Je suis pour les gens qui sont toujours d’accord avec moi, ont exactement la même opinion que moi et ne sont jamais contre moi.
« Ben voyons… – Ah le con ! – Triple con ! » et autres gentillesses avaient jailli, suivis d’une franche rigolade. Bien sûr, le pote Bébert déconnait.
Jo, pas toujours très rapide question comprenaille avait conclu : « On va te débarquer à coups de pieds au cul dans le coin le plus tranquille de l’île déserte la plus reculée. »
— Je déconne, mon Bébert, je déconne.

Dans ce bistrot que notre amitié illumine et que nos porte-monnaie pérennisent, voilà à quoi ressemblent plus ou moins nos apéros philosophico-politiques. Aidées par des prémices de gueules de bois, nos langues, alors aptes à fourcher, jamais ne sont de bois, ni nos discours de pierre. Nous n’inventons rien, ce qui n’est pas pour nous déplaire si nous recensons les inventions modernes auxquelles nous ne savons donner un sens, peut-être parce qu’elles n’en ont pas. Nous sommes de cette humanité dépassée par cette autre, menteuse et corrompue, qui outrepasse ses droits et s’est arrogé pouvoirs, privilèges et, au final, droit de détruire.

A propos pierrevaissiere

On avait réussi à collecter une dizaine de mots qui parlent de l'olibrius qui écrit ces âneries, et voilà, ils se sont échappés. C'est pourtant pas faute de les avoir tenus en laisse.
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