Politique, réincarnation et bouddhisme

C’est décidé : dans une prochaine vie, et même la toute prochaine, je ferai homme politique. Je dis homme mais ça pourrait tout aussi bien être femme, à condition que je sois bien roulé, sinon je ferai homme. Homme politique. Tu me diras, femme, c’est pas mal non plus. Tu bosses là où c’est bourré d’hommes politiques bien gaulés et en demande, tu as vite fait de monter en grade. Si ça traîne, tu t’en choisis un très en demande, tu te le coinces et tu le fais chanter ce que tu veux, en mesure et dans le thon ton. Je veux dire dans celui que tu veux, ton ton à toi.
Après, c’est vrai qu’il faut en choisir un, d’homme politique. C’est pas ce qui manque, alors tu établis une liste, tu coches, tu décoches, cent fois sur ton métier, etc. Tu en repères une bonne dizaine, parce qu’on ne sait jamais, les hommes politiques, des fois ça disparaît plus vite que l’acné juvénile. Les affaires ne manquant pas –et même si ce n’est pas rare qu’il y en ait dont on n’entend plus parler–, peu de chance qu’ils deviennent dame pipi dans je ne sais pas quelle occulte officine, surtout si c’est des hommes, ils ont alors intérêt à se faire discrets. Du coup, va remettre la main dessus…
Ma liste en main, mon pendule dans l’autre, je l’ai fait osciller de droite à gauche, dans le sens des aiguilles d’une montre, aussi dans le sens contraire. Moins facile qu’il n’y paraît quand en guise d’aiguilles ce sont des chiffres qui défilent au pas cadencé et que tu ne te rappelles pas dans quel sens habituel tournent les aiguilles des montre normales, y compris celles de l’hémisphère sud où, c’est bien connu, quand tu vides ton lavabo, l’eau s’écoule en un tourbillon dont le sens de rotation est inverse de celui de notre hémisphère, autrement organisé.  D’où le côté siphoné des antipodiens.
Le pendule, c’est oui ou non, tout pareil qu’un référendum. Çui-là, oui ; çui-là non. Lorsque le pendule refuse de balancer, contrairement à certains qui ne s’en privent pas, c’est même pas la peine d’y penser. Des noms ? Je ne suis pas une balance, alors n’y comptez pas ! pensè-je en m’exclamant et non en m’interrogeant comme l’indique mon habile ponctuation.
 Pour un travail sérieux au pendule, quand des personnes sont en jeu, mieux vaut introduire une mèche de leurs cheveux à l’intérieur du cône de cuivre que tu dévisses. Le plus simple, s’il s’agit de députés ou des sénateurs, par exemple, c’est de leur en couper une –de mèche– pendant une séance à la chambre, à l’heure de la sieste, soit cinq petites minutes après le début de chaque séance. Ça passe mieux qu’une lettre à la poste quand il n’y a pas grève et presqu’aussi facilement qu’une coupe dans le budget du ministère de la Bonne Foi. ou çui du Bon Sens.
 J’en ai viré quatre de la liste. M’en reste donc six, preuve par 9 à l’appui. Compte exact, tout le contraire de ce qui arrive lors des élections dans les partis politiques, pour savoir qui va partir, donc qui va rester à se rengorger et se pavaner en criaillant. Crotte de bique ! m’exclamè-je en parcourant les noms : que des François, avec juste ce qu’il faut de variante pour donner l’impression que ce ne sont pas des clones, alors que c’en est, suffit de voir comment ils s’attifent, comment ils causent, comment ils posent, comment ils promettent. Ça promet…
Bayrou, Hollande, Fillon, Baroin, Copé. Lègère erreur de timing, sans doute dûe à l’émotion, Mitterrand, dont les restes sont depuis longtemps bouffés par des nuées de teignes errantes, bestiaux de l’ordre des lépidoptères appartenant au sous-ordre des hétérocères dont la chenille est communément appelée mite.
 Une nouvelle liste s’impose-t-elle pour autant ? Cortex cérébral en branle, je fais le tour de la question pour me rendre à l’évidence : non, car qu’ils se prénomment Jules, Nicolas, Charles, Edgar ou Jenesaisquoi, ils ne sont que de catastrophiques répliques de ces oligarques, énarques ou semblables, qu’ils prennent pour modèles. Princes de l’arnaque sans imagination, leur comportement est celui d’un morpion qui se demande si le sang de la couille droite leur sera aussi profitable que celui de la couille gauche. L’exception confirmant la règle en poussera l’un d’eux à s’installer dans cette partie de l’anatomie qu’anime Eole lorsque des luttes intestines empoisonnent l’Olympe, ce qui le rend d’humeur maussade.

Homme politique, pourquoi pas, mais pas de cette trempe un rien détrempée qui déshonnore et défigure nos belles et douces démocraties modernes, civilisées et avancées. Qui devenir alors ? César ? Napoléon ? Mao, Staline, Hitler ? Cléopatre ? Gengis Khan ? Amin Dada ? Avec les emmerdes qu’ils ont eu tout au long de leur parcours et plus encore en fin de vie ?
 Rester modeste et m’installer sur un des bancs de l’Assemblée nationale pour y faire ma sieste après avoir grapillé par ci, par là, quelque avantage matériel ?
Me réincarner en tant que ministre du Temps Libre et de l’Oisiveté, avec un passage obligé à l’ENA ?
Choisir une vie d’éminence grise pour finir par porter un chapeau qui n’est pas à ma taille ou me faire tailler des costumes trop grands, étriqués ou passés de mode ?
 Accepter de me sacrifier sur l’autel de la patrie, en devenir le bref et éjectable président, puis finir par courir le monde en lui porter ma bonne parole moyennant quelques grassouillets subsides ?

J’en suis là de mes tergiversations interrogatives interrogations tergiversatrices lorsque, pris d’une subite prise de conscience consécutive à un éveil de la même, je me rends compte que je suis allé bien vite en affaire. Car j’ai décidé de me réincarner en tant qu’homme politique sans me poser la question essentielle : ai-je envie de me réincarner (ce qui induit un choix, donc une décision qui dépend de moi), avec la question subsidiaire : la réincarnation existe-t-elle ? (ce qui ne dépend pas de moi), et dans quel cas, peut-on choisir sa réincarnation ? Par exemple, peut-on décider de se réincarner en brosse à reluire pour faire briller un homme politique sans reflet car mat ?

C’est décidé. Dès demain je file me prendre un billet d’avion pour le Tibet. Je trouverai bien un bouddhiste qui m’éclairera sur la question. Sinon j’irai à Toulon-su-Arroux au Temple des Mille Bouddahs, ça serait malheureux si parmi ces mille-là il n’y en a pas un qui me tuyaute. Le Karmaling, en Savoie ? J’y pense, mais sans pneus neige…

A propos pierrevaissiere

On avait réussi à collecter une dizaine de mots qui parlent de l'olibrius qui écrit ces âneries, et voilà, ils se sont échappés. C'est pourtant pas faute de les avoir tenus en laisse.
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